Notre amie Rotarienne Ursula Zeller est membre du RC Vevey-Montreux-Riviera depuis 2009. Docteur en histoire de l’art de l’Université de Tübingen, elle a notamment dirigé le département de l’Art à l'Institut pour les relations culturelles avec l’Étranger (Berlin et Stuttgart) et le Zeppelin Museum à Friedrichshafen avant de prendre les rênes de l’Alimentarium à Vevey, en juillet 2014. Au fil de ses riches expériences professionnelles, Ursula a appris à distinguer le management qui concerne l’opérationnel du leadership qui, lui, se focalise plutôt sur le relationnel. Son propre leadership privilégie la participation active des collaborateurs/trices pour qu’ils assument des responsabilités dans l’optique de fonctionner de manière autonome. Leur respect constitue aussi une valeur incontournable.
Quelles différences établis-tu entre le management et le leadership?
Pour diriger avec succès une entreprise, il faut à la fois du leadership et une bonne gestion de management. Ce dernier se concentre sur l'institution avec des managers qui ont besoin de compétences spécifiques pour des tâches telles que la planification, le développement de stratégies, la fixation d'objectifs, la coordination, etc. Le leadership, de son côté, s'intéresse plutôt aux personnes, aux collaborateurs/trices ; il requiert des qualités personnelles, ainsi que de l'expérience. Mais le leadership n'est pas donné, il doit être acquis. Les collaborateurs/trices doivent accepter et reconnaître le leadership d'un supérieur.
Steve Jobs a dit : « Management is about persuading people to do things they do not want to do, while leadership is about inspiring people to do things they never thought they could. » Je suis tout à fait d'accord avec lui sur sa définition du leadership, mais pas vraiment en ce qui concerne le management. Je pense que dans le monde actuel du travail, les organisations ont besoin de leaders inspirants et motivants, de même que de managers actifs et compétents pour fonctionner de manière optimale.
Le leadership a-t-il pour objectif de servir les intérêts de l’entreprise ou plutôt ceux des collaborateurs/trices ?
Je ne vois pas d’opposition. Le leadership se concentre sur les collaborateurs/trices et non sur l'entreprise. En ce sens, il est centré sur leurs intérêts. Néanmoins, le leadership doit également tenir compte des intérêts de l'entreprise, sinon il ne sera jamais couronné de succès. En effet, la motivation et l'inspiration s'orientent vers les objectifs et les visions de l'entreprise. Si ces derniers sont mis en œuvre de manière optimale, les collaborateurs/trices et l'entreprise se porteront bien.
Un leadership composé d’éthique, de bienveillance et d’empathie, voire d’exemplarité, favorise-t-il une adhésion plus acérée des collaborateurs/trices ?
Je pense que oui. Un leadership, qui fonctionne bien, est un instrument important pour fidéliser les collaborateurs/trices à une entreprise, pour les motiver à long terme. C'était déjà le cas par le passé, mais c'est encore plus vrai pour les jeunes d'aujourd'hui. Ils ne veulent plus travailler dans des entreprises qui ne se comportent pas correctement sur le plan éthique, où les collaborateurs/trices ne sont pas pris au sérieux, ne sont pas sollicités et ne sont pas encouragés. Ils attendent un leadership visionnaire qui les enthousiasme et les entraîne avec eux.
La gestion de crise révèle-t-elle l’efficience d’un leadership en matière d’engagement, de responsabilité et de dépassement de soi ?
C'est certain. Regardons la crise pandémique actuelle qui exige des leaders un marathon de gestion de crise. Depuis deux ans, ils doivent s'adapter avec souplesse à des conditions générales en constante évolution, se réorienter d'un jour à l'autre sans pouvoir influencer les événements. Et ce faisant, ils doivent motiver les collaborateurs/trices, les encourager et maintenir un esprit positif. Cela suppose de la part des cadres un haut degré d'efficacité, d'engagement et de responsabilité. Ils doivent aller jusqu'à leurs propres limites, voire au-delà, car il n'y a pas de routine. La plupart des situations ne peuvent être maîtrisées que par la méthode du trial and error.
La responsabilité individuelle des collaborateurs/trices
Que penses-tu du propos de notre ami Rotarien Maxime Morand, dans la conclusion de son ouvrage Petit guide du leadership provoc’acteur selon Jésus-Christ, qui considère que le leadership consiste en « une vie qui se donne » ?
Même si je ne connais pas ce livre, je trouve que l'idée de comparer la vie de Jésus à celle des dirigeants est séduisante. Car après tout, Jésus était un pêcheur d'hommes qui a conquis ses disciples, puis la communauté des croyants qui le suivaient aveuglément. Un leader est aussi un pêcheur d'hommes. Toutefois, la comparaison s'arrête là. Les leaders ne devraient pas rassembler autour d'eux une communauté de disciples et de croyants. Ils devraient plutôt miser sur des collaborateurs/trices forts et critiques qui posent des questions et ne s’exécutent pas aveuglément.
Contrairement à Jésus, un leader ne détient pas la vérité divine, mais doit se débattre chaque jour avec son équipe pour trouver la meilleure solution. De plus, le leadership consiste à donner et à recevoir, car l'inspiration et la motivation forment une interaction entre le leader et ses collaborateurs/trices. Je ne pense pas non plus qu'il faille se sacrifier, « donner sa vie ». Il n'en résulte pas, comme pour Jésus, la rédemption, mais plutôt un burn out.
Un style participatif, respectueux et authentique
Dans ta fonction de directrice de l’Alimentarium, tu exerces de fait un leadership auprès de ton équipe d’une soixantaine de personnes ; quelles sont ses caractéristiques et que mets-tu en exergue ?
Mes collaborateurs/trices pourraient le décrire d’une manière beaucoup plus objective que moi. Je ne peux que mentionner mes lignes directrices. L'Alimentarium est une PME dans laquelle j'assume l'entière responsabilité personnelle et financière. J'aspire à un style de direction participatif, respectueux et authentique, qui ne mise pas sur la hiérarchie, mais sur la plus grande responsabilité individuelle possible. Le respect mutuel est la condition de base de toute direction. Et celui qui n'est pas authentique n'est pas non plus crédible. Mais être authentique, c'est aussi convaincre en donnant l'exemple, vivre ce que l'on dit. La participation est importante, car les décisions top down ont moins de succès que les décisions communes.
Je trouve important d’associer l'équipe à la recherche des meilleures solutions, puis je prends des décisions claires. C'est également important pour avancer. Les hiérarchies sont nécessaires pour structurer une organisation, mais elles sont plutôt un obstacle à la réalisation de projets. Une équipe qui regroupe toutes les compétences techniques nécessaires travaille avec plus de succès. Et il faut donner aux collaborateurs/trices des responsabilités en conséquence pour qu'ils puissent accomplir leurs tâches de manière autonome. Je peux ainsi me concentrer sur mes tâches de direction.